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À la rencontre des artisans potiers de Safi au Maroc
L’apprentie voyageuse nous raconte son périple au Maroc, premier pays sur sa liste pour son tour du monde ! Elle nous livre ses impressions et les découvertes qu’elle a faites hors des sentiers battus, notamment avec les potiers de Safi.
Parenthèse nostalgique
L’un des souvenirs les plus forts que je garderai en mémoire est sans doute la visite de Safi, une petite ville de la côte Atlantique, à 4h en bus de Casablanca. La destination n’était pas choisie au hasard, j’avais un atelier à animer à l’Alliance Française de Safi. Mais c’est en découvrant la réaction des Marocains à l’évocation de cette ville que ça a vraiment commencé à m’intéresser : « Safi ? Mais que vas-tu faire là-bas ? C’est un trou pommé cette ville, il n’y a rien à y voir ». Et c’est vrai que, vu de Casablanca, Safi n’est pas très attirante. La ville, de taille moyenne, 410 000 habitants, peine à se développer et est principalement connue pour ses sardines, son phosphate et sa poterie.
Point historique
Safi n’a pas toujours été moquée par les Marocains. Elle bénéficia pendant longtemps de sa proximité avec Marrakech, 150 km les séparent, et devint même le port de la ville rouge lorsque celle-ci était la capitale du Maroc au XVIIe siècle et un des plus importants ports du Maroc. L’art de la faïence arrive bien plus tard, au XIXe siècle, lorsque des potiers fassis décident de s’installer dans la ville et de monter les premiers ateliers de poterie. La raison : la qualité de l’argile locale riche en oxyde de fer qui donne un aspect presque métallique à la céramique.
Le début de l’aventure
Après un rapide tour en voiture avec les personnes de l’Alliance Française, une fois mon intervention réalisée, je me retrouve à errer dans la ville en attendant mon bus pour retourner à Casablanca. Je n’ai pour guide qu’un bout de papier avec quelques lieux typiques de la ville griffonnés par une personne de l’Alliance. Comme la plupart des villes marocaines, l’ancienne Médina est un passage obligé, d’autant plus quand celle-ci est entourée de murailles d’influence portugaise. Le point de départ de ma visite.
Première impression
Très vite, je comprends que ma présence ne passe pas inaperçu. Me voilà à chercher pourtant les dédales de rue, les détails dans les chemins de traverse. Un homme m’interpelle alors pour me dire d’éviter telle rue ou telle autre « ce n’est pas très touristique ici vous savez ». Il se présente comme un artiste-potier, semble connaître tout le monde dans l’Ancienne médina et a l’air bien décidé à me faire visiter la Coline des potiers, un lieu phare de la ville situé dans les hauteurs. Un peu en désespoir de cause, je finis par le suivre.
Immersion dans cet art des potiers de Safi
Me parlant alternativement en français puis en anglais, ce bonhomme qui ne paye pas de mine me fait faire le tour de la Coline des potiers, me présentant à tous ses amis, d’atelier en atelier. L’endroit compte près de 42 ateliers dans lesquels travaillent plus de 700 céramistes, sur un total de 2000 que compte la ville.
J’ai le droit à toutes les étapes de fabrication, chacune pouvant être exécutée par plusieurs artisans ou par une seule et même personne. On me présente d’abord les brisures d’argile extraites des carrières alentours que l’on mélange avec de l’eau pour former une pâte malaxée pieds nus.
Techniques de fabrication
Cette pâte sert ensuite de base de travail pour le façonnage par le tourneur. Toutes les pièces sont réalisées à mains levées que ce soit lors du façonnage ou de la décoration ce qui rend chaque poterie unique. Les tourneurs répètent inlassablement les mêmes gestes pour réaliser les objets typiques marocains, du tajine au ziafa, le bol traditionnel utilisé pour boire la harira, la soupe du petit-déjeuner. Une première couche d’émail blanc est ensuite apposée sur la poterie.
Après un temps de séchage, vient l’étape la décoration. Le geste est précis, exécuté au koulm, un pinceau fabriqué en poil d’âne. Les motifs sont à l’image du Maroc, pluriels. Certains sont géométriques, hérités du folklore berbère. D’autres s’inspirent de la calligraphie arabe. Les couleurs aussi ont leur histoire. La couleur bleue, découlant du cobalt, tout particulièrement puisqu’elle a voyagé avec les premiers potiers de Fez à Safi. Mais c’est toute une palette de couleurs qui se déroule sous nos yeux : du jaune, du brun, du vert… La cuisson au four traditionnel, à près de 900°C, permet de fixer les teintes et de leur donner cet éclat caractéristique.
Au cœur des ateliers des potiers de Safi
Les artisans-potiers sont tous des hommes (il y a seulement quelques ateliers exclusivement féminins un peu à l’écart). Ils travaillent de manière traditionnelle dans des bâtisses à la couleur de leur argile et inondent de leur marchandise l’ensemble des souks marocains et au-delà. Dans les maisons marocaines, les tajines décorées sont réservées à la décoration ou aux fêtes. Au quotidien, les plats utilisés sont en argile sans émail.
L’ambiance des ateliers des potiers de Safi
À l’intérieur des ateliers, il y a des pièces et des pièces entières remplies de tajines de toutes les tailles, de plats à couscous, de vases, d’amphores… Dur, dur de se frayer un chemin sans avoir peur de tout casser. Il y en a pour tous les goûts. Et loin de se cantonner aux méthodes traditionnelles, certains cherchent même à innover : les fours traditionnels sont remplacés par des fours au gaz, les designs des tajines s’arrondissent, de nouveaux motifs apparaissent à l’image de ces dessins qui rappellent les tissus wax africains revenus à la mode ces derniers temps. De nombreux céramistes viennent aujourd’hui du monde entier pour se former à la poterie safiote.
D’une visite un peu distante et sans saveur, j’ai finalement eu droit à une vraie découverte aussi authentique qu’imprévisible. C’est aussi ça l’esprit du voyage.
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